mardi 27 décembre 2011

L'interview de Jean-Marc Benito

Le 02 juillet sort Greatest Hits, l’album live de La Pompe Moderne, le nouveau terrain de jeu de Georges Brassens. L’occasion pour Jean-Marc Benito de rencontrer ce grand monsieur.


Jean-marc Bénito : Sortir un album live au moment où l’industrie du disque s’effondre, c’est une provocation ?

Georges : pas du tout. La musique est là depuis toujours. Les formats passent, les musiciens continuent leur chemin. Ce disque témoigne de ce que ce groupe arrive à produire sur scène. Un moment de fantaisie en musique. C’était important pour moi de le faire exister…

Le public se félicite globalement de votre retour, mais il y a quand même les bougons de service pour vous reprocher une sorte de superficialité avec La Pompe Moderne.

Je peux comprendre que certains soient nostalgiques de mon travail précédent. Après tout c’est avec ces chansons que je me suis fait connaître. Mais honnêtement, pourrais-je ajouter quelque chose à La Supplique, aux Copains, ou à la Non-demande en mariage ? Je ne m’en sens plus la force… De plus, refaire la même chose, faire dans ma caisse, ne m’intéresse pas. Je préfère emprunter d’autres routes, faire du hors-piste. Et puis je ne pense pas que la Pompe Moderne soit un projet léger. La fantaisie, ce n’est pas quelque chose de léger...(pause) Prendre la scène pour tenter une synthèse de la chanson populaire, s’amuser, mettre en exergue ce qui s’écrit, ce qui se joue dans notre culture, ce n’est pas léger…

Vous pensez que c’est votre devoir, en tant que père de la chanson française, de faire ce bilan ?

Mon dieu non ! quelle horreur… je n’ai pas de devoir… à mon âge (Georges à 89 ans, ndlr) on est au-delà de ça… La chanson se porte bien sans moi. Non, c’est plutôt l’envie de revisiter tout ça avec désinvolture qui est un geste artistique -donc politique- ça ne concerne pas la notion de jugement.

Alors sur ce disque Georges, outre les chansons, les arrangements lorgnent vers la pop, mais également vers le punk, le free-jazz, l’improvisation… on avait pas l’habitude de vous voir dans ces registres.

Il me paraît salutaire de nourrir cette chanson. La chanson n’est pas une chose sacrée. Elle appartient à quelque chose de bien plus large, qui est la musique. On peut trouver des croisements, des brèches… Antisocial, qui est une chanson pleine de rage, appelle facilement des débordements. Y inclure une esthétique free-jazz c’est juste une autre façon de l’habiller, qui ne contredit aucunement le propos. On continue de parler de carcans dont il faut s’affranchir.

De la même façon, on vous entend slammer à plusieurs reprises…

J’aime le verbe. J’aime les mots. Lorsqu’il s’agit de s’interroger sur comment dire un texte devant un public, on a une large palette de possibilités. Chanter, parler, psalmodier, slammer… ce serait de la négligence que de se priver du meilleur moyen de faire briller un texte… dans certains cas, le slam est imbattable.

Vous avez souvent déclaré au cours de votre vie que vous aimiez écrire des chansons, mais que les interpréter vous posait problème. Vous n’envisagiez pas au départ de chanter vos chansons. Des titres comme Le Parapluie, ou La Chasse aux papillons, étaient destinés à d’autres…

C’est vrai j’étais terrorisé par la scène. Je n’en menais pas large aux Trois Baudets en 52… ce déballage égocentrique m’insupportait…

Mais là avec La Pompe c’est une métamorphose ! Un ami à moi qui était présent à La Maroquinierie m’a même confié que votre prestation lui évoquait le Prince de la grande époque !

(rires) Oh, c’est très gentil à lui. Invitez-le au prochain concert ! (rires) Prince, je prends. Quel homme de scène… Plus simplement, après une retraite de 30 ans, et porté par mes merveilleux musiciens, j’ai abordé la scène différemment. 30 ans c’est long vous savez… je ne suis plus exactement le même homme. La scène ne me fait plus peur…

(---)

Georges, vous avez connu l’Occupation, vous avez été manœuvre aux Usines Renault, vos amitiés anarchistes sont connues ; Quel regard portez-vous sur la France des années 2000 ?

Vous savez avec Emile (Miramont, ndlr) et André (Larue, ndlr) on avait monté un parti pour rire, en 45, c’était une blague pour se moquer un peu des politiques qui nous inspirait peu de respect déjà à l’époque–

Oui, La Pompe Moderne ce n’est pas votre coup d’essai en matière de fantaisie !

 

Oh non, j’ai toujours aimé ce sport… j’ai un sentiment de gâchis aujourd’hui. D’un côté, il y a des générations très au fait des pratiques capitalistes et politiques, la critique est très documentée, très précise, et je crois que beaucoup de gens sur le terrain sont clairvoyants, ont des solutions. De l’autre on a des gens au pouvoir qui ont une vision de la politique d’un autre âge. On le voit très clairement à la façon dont le gouvernement est dépassé de tout côté : la crise financière, la révolte des ouvriers, la volonté désespérée de vouloir contrôler ce qui se dit dans les médias, des jeunes gens emprisonnés comme bouc émissaires au nom de la lutte anti-terroriste… tout ceci est effrayant, honteux… j’espère que les choses vont changer… on arrive dans une impasse de toute façon. Il va bien falloir laisser la parole à d’autres personnes, plus en phase avec la vie réelle.

Merci Georges pour cette interview-


merci à vous-

Pour finir, un grand artiste nous a quitté cette année, Alain Bashung…

 
Voilà quelqu’un au parcours admirable, une vie de disques, de recherche, un interprète rare, radical. Un laborantin précieux qui disparaît…

Merci Georges, bonne chance pour la sortie de Greatest Hits.

 
Merci Jean-Marc."

Interview réalisée le 21 mai 2009.
La Pompe Moderne, Greatest Hits, le 02 juillet 2009 (ndlr: l'album sera repoussé à novembre).



Georges.


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1 commentaire:

  1. on est en 2020 je vous découvre, absolument génial! merde revenez !!! par pitié jean- Philippe

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